Articles Blog écriture Les Aventures de la Smala

Le bal de la cambrousse

Après le trajet épique – qui fit la Une de Sud-Ouest, Ouest-France et Paris-Match – le choc des mots, le poids des photos de valises ! – Petunia expliqua, au petit déjeuner que le bal estival majeur serait organisé dans le trou du cul du monde qui avait tiré le « gros lot ». 

Le maire et ses adjoints avaient, en effet, été désignés, lors d’un tirage au sort, un brin truqué, comme les organisateurs du bal du 14 juillet, connu pour être l’attraction de l’été dans le coin paumé.

Après un conseil municipal très animé – le Maire avait convoqué le curé pour lui expliquer qu’il aurait besoin de sa bénédiction afin que tout se passe bien, sous peine « excommunion du comité cantonal de la communauté des villages paumés », le conseil avait voté pour le lieu du bal, le repas pré-bal, et le loto post-bal.

Deux jours plus tard, le bourgmestre convia les chefs de famille pour exposer le planning aux fins « d’organisation interne pour la bonne marche des 48 heures les plus importantes pour le trou du cul du monde depuis la Libération de 1944 ». 

Après trois heures entre boisson, saucisson et explications, tout était cadré et chaque famille avait en charge un point précis pour le jour du bal dont l’affiche clamait :

« Tous au Bal du 14, la cambrousse, ça sent pas que la bouse ! ».

Quand Suprême revint à la casbah, il convoqua un « comité extraordinaire smalien pour planifier les tâches en vue du Bal »… car, lors de la répartition, la Smala avait été chargée d’organiser :

  1. Le point sur les boissons, émettre un bon de commande aux fins d’achat du nombre de bouteilles pour le vin d’honneur,
  2. La préparation de la liste des chansons qui passerait entre 22h et le feu d’artifice prévu à 00 :03 (plus précis tu exploses !).

Au même moment, le maire pleurait, dans sa chaumière, au téléphone avec le président du comité cantonal d’organisation usuelle des activités cultures du coin (CCOUACC, oui, oui couac ! ça ne s’invente pas(1) ! »), en lui contant que les « maboules organisaient la bibine et la zique ».

Le président soupira et ordonna d’avoir un « plan B, C, D, pour ne pas que tout foire… avec eux, on sait jamais ».

Une semaine plus tard, lors de la réunion de coordination finale, Suprême, accompagné de Trois, Cousin Edmond, Un, Bibi, Lord et le Major Hicham (dépêché de dernière minute, à la base de l’idée du thème principal !), arrivèrent dans la salle du conseil et attendirent sagement que le président du CCOUACC lance la partie « boissons et chansons ».

Lorsque Suprême se leva, Un et Trois déplièrent une longue banderole qui « résumait parfaitement la proposition smalienne du feu de dieu, au diable l’avarice », expression qui fit couiner le curé qui furetait au fond de la salle en quête d’un petit gâteau sec.

« Nous avons pensé à faire simple, local, et bon » Entama Suprême.

« Et bio » Renchérit Lord sous les applaudissements du groupe en charge des « récupérations des déchets et autres intempérants avinés ».

« Oui, aussi… le plus simple est donc d’offrir de la prune avec de la limonade en apéritif d’avant-bal » Continua Suprême alors que Trois et Un pointaient le point 1 de la banderole, finement illustré par la photo d’une bouteille de gnôle. 

« Une limoprune ! » Lança, fier, Cousin Edmond.

« On peut breveter ? » Lança le deuxième adjoint qui fournissait la prune. 

« Comme tu veux, le gueux tant que tu peux en fournir 50 bouteilles d’ici 15 jours ! » Précisa le président qui salivait déjà.

« À la limoprune, il convient associer un digestif d’après dancing… nous avons élaboré un cocktail tout en douceur mais assez pour réveiller un mort-vivant » Expliqua Suprême alors que Lord et Bibi dépliaient la banderole avec les chansons retenues pour le bal. « Comme vous le voyez, le thème est très dansant… nous avons évité les clichés des bals campagnards, mais une bourrée fera un interlude parfait pour s’en jeter encore un petit ! ».

« Le cocktail s’appelle Le Trou Dansant » Dit Major Hicham en détachant tous les mots. 

« Une création de notre Majortoutdou » Hurla Trois en mode groupie fanatique, sous l’approbation sonore de Bibi. 

« En l’honneur de notre canton, c’est un cocktail mêlant harmonieusement noix, prune, poire… un sorbet de poire, avec des morceaux de prune, le tout enrobé par de la liqueur de noix… » Exposa Suprême fier comme un coq périgourdin. 

« Miaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaam » Hurlèrent les membres du Conseil.

« Que vous êtes novateurs ! » Jubila le Maire (fier que son village puisse créer de telles nouveautés afin d’agacer les autres maires).

« Cela me paraît bon » Dit le président, en attendant de tester. 

« Aboule le verre, Lord, y’a le roitelet qui doute de notre création originale » S’irrita Suprême appuyé par l’œil noir de Trois qui menaçait les membres du CCOUACC avec son petit poing. 

Une minute plus tard, et autant de rougeurs sur le visage, et après une toux à s’en décoller les membranes, le président souffla :

« Là, M’sieur Suprême, ça arrache bien mais c’est bougrement bon ce petit sorbet ! »

« C’est un cocktail, ignare ! » Répliqua Un.

« C’est boooooooooooooooooooooon » Hurla le maire qui venait d’en boire deux d’affilée. 

« Rudement bon ! » Lancèrent les adjoints et membres du CCOUACC.

« Avec ce petit arrière-goût de noix, un délice ! » Soupira le curé qui n’en avait pas bu qu’un ! 

« Cela va être un succès pour la trésorerie de la buvette ! » Se félicita l’adjoint aux finances.

« Bas les pattes, l’adjoint, la recette revient aux chasseurs chassant chasser » S’égosilla l’un des membres du CCOUACC, vice-président des chasseurs des bleds du coin.

« Je vous présente le NoiJor, pour associer noix et major, en l’honneur de notre Major Hicham qui a créé cette merveille qui éblouit la Smala depuis une semaine ! » S’auto-félicita Suprême sous les applaudissements de tous.

« Et les chansons ? » Demanda le 3e vice-président du CCOUACC qui buvait que de l’eau filtré au charbon de bois.

« Nous avons choisi avec soin afin d’alterner local, moderne et rapprochant » Lança Cousin Edmond.

« Franchouillard, années 80 et slow » Traduisit Bibi en souriant au « sublime trésorier du CCOUAC qu’il est à croquer ce sigisbée », expliqua-t-elle plus tard aux Smaliennes, ébahies.

Après écoute de quelques exemples, la bande-son(2) fut acclamée, validée et approuvée… 

NdlR : le bal fut un triomphe, la limoprune un must, et le NoiJor décoinça même les plus prudes des convives… bon, il semblerait qu’un taux de rendez-vous plus important que d’ordinaire fut enregistré chez les médecins du coin le lendemain pour, on cite, « quelques mouches devant les yeux, au réveil(3) ».

 

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  1. En fait, si, mais bon, l’auteure se désolidarise depuis la lecture de la playlist !
  2. Accessible sur Spotify… lien ici !
  3. Ah, la belle cuite que voilà !

 

 

Episode suivant : Trois et Suprême adoptent !

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