Quatre jours plus tard, et après une cérémonie à en « faire pleurer des plus durs » (dixit le 4e adjoint en larmes) lors de laquelle le curé avait convoqué un quartet baroque et refusé l’entrée à plus de 200 personnes du coin, la Smala était toujours sous le choc.
La Cousine Sidonie errait comme une âme en peine le long de la haie de laurier rose toute la journée, Cousin Edmond et Tante Dinde pleuraient sur leurs épaules respectives, Trois avalait de grandes cuillères de sorbet framboise « avec des morceaux dedans », Un scrollait sur on iPhone pour revoir « les meilleures photos de notre chère Aglaé, avec notre GAT », Suprême câlinait Nestor et buvait des coups (de Perrier, ce qui est gravissime, vous en conviendrez !), Cinq-et-Demi revoyait l’ensemble du vocabulaire « le deuil pour les nuls » et les FlowerPower créaient un album souvenir.
Pendant ce temps Quatre, Deux, Jamie-hinceversionmoka, Lord et Bibi étaient au grenier, racontaient des souvenirs et pleuraient à chaudes larmes, tout en mangeant des Crocodiles Haribo®(1).
À ce petit jeu-là, le maire commença à s’inquiéter de ne pas voir Suprême et Cousin Edmond à la « braderie de gnôles » le dimanche suivant. Même le décès de GAT, à l’époque, n’avait pas fait louper cette foire à l’alcool aux deux séniors de la Smala. Il mandata, donc, GusGus, le cantonnier, pour s’enquérir de l’état d’esprit des « maboules du haut du bourg en bas à gauche ».
Dix minutes plus tard, GusGus revint pour expliquer à un bourgmestre effaré que la Smala « déprimait sec, sans alcool, sans cri, sans musique à fond… ». Cela angoissa l’ensemble des administrés présents et le 3e adjoint – pote de taquinage de goujon de Cousin Edmond – proposa de trouver une « activité dérivative et ludique » afin de remonter le moral à la Smala « qui était toujours les premiers pour animer le trou du cul du monde ». Comme le dit la femme du 4e adjoint, « sans la Smala, on va se faire royalement chier dans ce bled perdu, paumé, éloigné, mortifère » – faut dire que la dame était issue d’une famille parisienne sur quinze générations !
Donc le Conseil municipal convoqua une réunion secrète avec l’ensemble des habitants (hors Smala) pour trouver une idée…. Après trois heures de suggestions complètement idiotes, barrées, improbables, irréalistes, irréalisables, etc. (barrez les mentions inutiles), il fut établi qu’une « petite festouille cagouille/gnôle » serait la plus propice pour réveiller la léthargie smalienne. Le maire appela son homologue du village-plusmorttumeurs d’à-côté, et lui expliqua avoir besoin de 15000 cagouilles « prêtes à bouffer ». Le jumelage fut évoqué pour cette fête mais le Trou du cul du monde ne lâcha rien ; « On fait la teuf en petit comité cette fois » hurla le 2nd adjoint qui testait la gnôle.
Trois jours plus tard, le maire et ses adjoints au grand complet (et en complet-veston) débarquèrent dans le jardin de la Smala qui était en mode « étoile de mer, morte » – dixit GusGus, sous le pommier. Personne ne mouftait, même Suprême qui reniflait dans la chemisette en pilou de Trois.
« Madame Petunia, le Conseil organise une soirée Cagouillettes/gnôlette demain soir, et bien évidemment, un hommage sera rendue à Damoiselle Aglaé avec un dessert en sa mémoire… Un énoooooooooooorme vacherin à la framboise » dit le Maire en se tortillant comme si il était attaqué par une fourmilière.
Cette tirade raviva la plaie de l’absence et toute la Smala se mit à sangloter.
Après dix minutes de couinement, mouchages et reniflages(2), Suprême se leva façon Imperator, et clama « Nous sommes honorés par cette proposition municipale et nous y serons, avec notre grand portrait de notre Aglaé jolie ».
Le jour dit, la Smala en formation tortue revisitée – rapport à un membre en moins, on le rappelle ! – tout en vêtements de soirée, portrait géant de Cousine Aglaé, en toile tendue, arriva dans le parc municipal, décoré avec papillons, fleurs et oursons en papier crépon.
Les cagouilles à périgourdine(3) patientaient pour être bouffées, la gnôle était bien en vue sur les tables, et le DJAlbert, surprise de dernière minute, avait établi une playlist à la gloire de Cousine Aglaé(4).
Après quatre heures de boustifailles non-stop (et autant d’alcool), le Trou du cul du monde se mit à entonner une chanson paillarde avec Suprême au micro principal, le Maire en appui vocal, et le village dans les chœurs.
Ça gueulait tellement qu’un touriste passant par-là, appela la Gendarmerie du coin qui rappliqua fissa (« Vous inquiétez donc pas, on s’en occupe ») et se joignit au concert impromptu.
Cet hommage dura jusqu’à épuisement des stocks (de cagouille et de gnôle) et finit par une sieste générale dans l’église, à l’invitation du curé qui n’avait pas sucé que des glaçons lors de la soirée.
Depuis le chemin menant au parc municipal a été rebaptisé « Allée Aglaé »….
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- Billet non sponsorisé, dommage !
- Oui, cela n’existe pas, mais bon, c’est moi le chef !
- Recette Smalienne approuvée par l’auteure :
Ingrédients
4 douzaines d’escargots de Bourgogne déjà cuits (avec les coquilles, hein !)
30 g de jambon de pays (cochon cul noir du périgord, sinon, passez votre chemin !)
50 g de confit d’oie ou de canard (La Smala a une nette tendance pour l’oie !)
30 g de cerneaux de noix (du Périgord, hein !)
1 échalote (du jardin ou de chez Picard)
1 gousse d’ail (bon, certains dans la Smala préfèrent de l’oignon frais)
100 g de beurre (du vrai, pas allégé, pas margariné, du beurre !)
200 g de persil plat (et pas italien !)
sel fin (hawai, himalaya, perse…) , poivre blanc du moulin (si possible à moudre au moulin)
Préparation
Mettez vos escargots déjà cuits dans une cocotte (en fonte, c’est mieux)
Hachez finement, au couteau, le jambon de pays, puis le confit et, enfin, les noix.
Pelez l’échalote et la gousse d’ail.
Effeuillez le persil.
Laissez le beurre ramollir à température ambiante.
Mettez dans le mixer le beurre, le persil, l’ail et l’échalote.
Mélangez quelques secondes.
Salez légèrement le mélange et poivrez-le.
Incorporez-y le jambon, le confit et les noix.
Ajoutez toute la préparation dans la casserole et remuez doucement –ne pas casser les coquilles – et déglacez au vin blanc (Bergerac ou Sauternes, ne faites pas n’importe quoi !), remuez, et réchauffez une dizaine de minutes tout en remuant doucement (doucement, y’a des coquilles, c’est fragile).
Dressez-les sur les assiettes et servez aussitôt (bon après, certains piochent direct dans la cocotte !).
Prévoir une assiette pour les coquilles, du pain (pour saucer (5)), et des tonnes de serviettes (pour les doigts… rince-doigts aussi, mais bon(6)… voilà).
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- Personne n’a compris la relation avec Aglaé ; l’auteure se désolidarise de cette playlist.
- Il faut aussi sucer la coquille… si, si, c’est délicieux !
- Ça ne se boit pas, hein ! On le répète… on ne boit pas le rince-doigt !
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