Depuis une semaine, la Smala, étant officiellement excommuniée « pour quelque temps », s’activait pour trouver une solution de repli.
Il faut dire que l’arrivée des fiancées (en folie) dans la réunion préparatoire aux célébrations de noël avait causé un émoi parmi les grenouilles du curé. Dominique, en minishort et pull rose fluo et Sidonie en mini-jupe Kant et chemisier en dentelle transparent, jaune poussin, n’avaient pas arrêté de se bécoter sous l’œil de merlan frit de l’ecclésiastique.
Privés, donc, de leurs soirées à l’église, du dépôt du petit jésus, et autres joyeusetés christiques, la Smala cogitait sur un « plan d’action pour les fêtes de noël avec un truc à faire saliver le curé et ses ouailles ! Au diable l’avarice ! » dixit Petunia en mode Xena la Guerrière !
Après avoir consulté tous les sites de météo en ligne, Petunia avait expliqué que Noël serait « anormalement chaud… on annonce 20° pour la semaine… autant dire c’est le réchauffement climatique ! », ce qui avait eu pour effet de déclencher un cours magistral de Suprême sur la « fonte des glaciers, l’amenuisement des ressources, la fin des animaux, des plantes et des Hommes, mais gardons espoir, on a encore Mars ! ».
La Smala décida de festoyer dans le jardin, sous un barnum loué pour l’occasion, afin de profiter « de la douceur de décembre ».
Le montage de la tente fut épique et, par bonté d’âme (c’est la trêve des confiseurs, ou pas ?), nous avons préféré vous épargner les cris, les blessures de « guerre » et autres engueulades entre les membres actifs, masculins, désignés pour cette « création divine ».
Pendant ce temps, les féministes, heu, pardon, les femmes de la Smala avaient envahi la cuisine et le salon afin de préparer les 8 plats à servir, selon un cérémonial bien rôdé (Bibi à la salade, Trois à la meringue, Tante Dinde au pâté, etc.).
Assis sagement sur un prie-Dieu, Lord of the Rings épluchait les patates en lisant quelques passages des contes de Grimm. Seul garçon admis (à grand coup de hurlements de Flower, avec le renfort de Bibi), il attendait que Cousine Sidonie ait fini son léchage de cuillères auprès de Deux (qui officiait à l’atelier chantilly) pour aller récupérer le linge brodé de maison.
Un, après moult débats, fut introduit maître de cérémonie pour la veillée et Quatre grand organisateur du Karaoké de noël.
Power avait loué une « sono d’enfer, à faire pâlir toutes les grenouilles et vieux crapauds de l’église » et espérait bien que son duo avec Bibi sur « C’est l’amour à la plage » allait dynamiter la version souffreteuse « Douce Nuit » du prêtre.
Le Jour J, alors que le réveillon avait été tonitruant, les chants Smalesques résonnant jusqu’à trois heures du matin dans le trou du cul du monde, à faire de l’ombre à l’angélus de minuit !, Power se prit les pieds dans le tapis (paillasson) de jardin et atterrit sur Cousine Aglaé qui fait tourner les serviettes (afin de fabriquer des petits animaux pour la décoration).
Cousin Edmond qui ravivait le feu de joie (bois) à proximité du barnum, en lâcha son tisonnier sur le fauteuil que Trois occupait avec Suprême.
A deux centimètres de perdre une oreille, Trois gueula comme un marcassin avant la broche, inondant le village de sa voix de crécelle.
La cohorte restée à l’intérieur, côté cuisine, arriva tel un troupeau d’éléphants et s’encastra dans l’un des piliers de la tente… qui s’écroula sur la table avec l’ensemble des mets rassemblés.
Alerté par les lamentations, le maire, patientant pendant que sa moitié assistait à la messe de noël, s’approcha de la grille d’accès au jardin. La vision qu’il eut le poussa à appeler les gendarmes pour « tentatives de meurtre par arme contondante ». Arrivés sur place, en civil amélioré (une vareuse rapidement mise et mal boutonnée), le capitaine de garde soupira…
Le barnum s’est écroulé sur la Smala au grand complet, hors Cousin Edmond qui jurait comme un charretier, son pique-feu à la main, qu’aucun « membre ne se relèverait après cette débilité christique ».
Le maire déboula dans l’église en invectivant le premier adjoint qu’il fallait « organiser le sauvetage de la Smala au risque que la Gendarmerie appelle le GIGN ! ». Le curé, outré de devoir interrompre sa messe, sortit, poings sur les hanches et se rendit dans le jardin des « damnés de l’enfer et plus si affinités ». Tombant nez à nez avec un Cousin Edmond toujours armé de son tisonnier, le Curé sortit son missel et commença à invoquer Dieu et ses Saints.
Trois nouveaux gendarmes qui étaient arrivés en renfort version « va y avoir du grabuge chez les maboules », étaient confortablement attablés avec un verre de pastis à la main, servi par la voisine, qui soupirait depuis des lustres après Suprême.
Après trois noms d’oiseaux « pas répertoriés dans nos contrées », deux menaces « d’embrochage de cureton » et une « expulsion divine », le gendarme en chef embarqua Cousin Edmond, le curé et le maire dans la fourgonnette aux fins de « dégrisement intensif de conneries de noël ».
Le barnum remonté, la Smala, groggy, se mit en formation tortue chancelante et escorta la voiture jusqu’à la caserne, avec quelques victuailles pour passer le temps.
Aux dernières nouvelles, la Smala est revenue au bercail, les gendarmes accusent deux kilos de plus sur la balance, le maire cuve…. Le Curé est toujours en cellule de dégrisement après avoir palpé les fesses du lieutenant, dans « un moment d’égarement dû au stress ».