Présentation de Maryline Martin, une auteure sensible attachée au devoir de mémoire !
Lors d’un salon du livre à Paris, j’ai rencontré une romancière en dehors du pavillon… et je l’ai retrouvée parmi les dizaines de stand, alors que j’avais perdu l’espoir de la voir se dessiner devant moi !
J’avais accroché immédiatement et je me suis rendue compte qu’elle était celle dont j’avais lu son dernier recueil de nouvelles (« La vie devant elles ») ! Le hasard ? Peut-être !
En tout état de cause, en discutant avec elle, j’ai trouvé quelques similitudes dans nos visions du devoir de mémoire, du travail d’auteur, de la vie en général.
En lisant ces deux précédents ouvrages, j’ai eu la confirmation d’un bien joli talent d’écriture et d’une belle âme !
Je suis très heureuse de vous la présenter ici et de vous faire découvrir son univers.
Je la remercie, encore, pour sa confiance et l’opportunité qu’elle me donne d’évoquer encore cette période qui me tient à cœur et de citer « mon Louis », sur lequel je finis d’écrire une biographie :
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Maryline, bonjour, merci d’avoir accepté cette interview afin de présenter, non seulement votre travail, mais surtout les romans que j’ai eu le plaisir de lire.
Pour commencer, pouvez-vous nous en dire plus sur vous ? en tant qu’artiste ?
Bonjour Lisa, je suis née à Angoulême mais vit, pour des raisons professionnelles, à Paris. Journaliste littéraire sur une radio libre parisienne, j’ai rencontré de nombreux auteurs qui m’ont encouragée, au regard de la pertinence de mes chroniques, à prendre la plume.
L’écriture est-elle votre principale occupation ?
J’aimerais qu’elle le soit mais comme je n’en vis pas, j’exerce une profession qui me permet toutefois de m’adonner à cette passion.
Votre travail sur le devoir de mémoire est très important et je vous remercie de rejoindre notre club des « jeunes » qui aiment entretenir cet esprit. Votre grand-oncle Abel est donc la base de votre quête. Pouvez-vous nous en dire plus ? Sur lui mais également sur votre cheminement.
Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai souvent entendu racontée par ma famille l’histoire d’Abel François Victorien Marchand mort à Verdun. Ce grand-oncle était le frère de ma grand-mère et de sa sœur née en 1919 et qui portait le prénom féminisé de ce frère, ce héros mort au combat…
J’aime ce proverbe qui fait références à nos racines : Pour savoir où l’on va, il faut comprendre d’où l’on vient…
Grâce à Internet, j’ai pu entamer des recherches et trouver la fiche militaire de mon grand-oncle qui non seulement n’avait pas été tué à Verdun mais reposait dans un cimetière militaire sous une tombe individuelle à Cerny en Laonnois, non loin du Chemin des Dames… Abel François Victorien Marchand est parti en avril 1915 rejoindre son régiment et a été fauché à vingt-ans lors de l’offensive Nivelle le 16 avril 1917.
En déroulant le fil de notre histoire familiale, je suis rentrée dans la grande Histoire et j’ai ressenti le besoin, et sous un prisme différent (l’écriture de nouvelles), de lui rendre hommage ainsi qu’à tous ces camarades…
Comment avez-vous travaillé en amont ? Vos recherches vous ont-elles poussé à inclure de nombreux déplacements, entretiens, visites ?
On ne peut écrire de façon mécanique sur ce sujet. L’empathie je l’ai ressenti très tôt lors qu’adolescente, je lisais un à un, sur les monuments aux morts, les noms des Morts pour la France, tombés au Champ d’Honneur J’imaginais l’attente et la souffrance de ces famille. La réponse au silence, ce fameux pli bleu porté par le maire ou son adjoint mettait un point fatal sur le i du mot fin. Avec l’attente, l’espoir était encore tenace …Comme l’écrit Maurice Duneton dans son roman vrai « Le Monument » : « (…) certaines familles se sont vidées de leur surgeons, au point qu’elles se sont éteintes dans l’aventure. Elles ont disparu sans laisser de trace… ».
Je n’ai pas de passion pour la guerre mais je suis intéressée par l’époque qui succède à ce que l’on nommait la Belle Époque… On entre dans le XXème siècle sous un déluge de feu et d’acier mais aussi qui verra les progrès de la médecine et de la chirurgie…
Je me suis documentée pour trouver le mot juste. On ne parlait pas en 1914 comme aujourd’hui même si l’argot des tranchées a perduré dans notre langage courant. Il était important que le lecteur soit dès les premières pages happés par ces destins et que de manière didactique il puisse être plongé dans le quotidien de l’arrière comme au front.
Dans mon travail d’écriture, ce qui m’importe est non seulement d’aborder la psychologie de mes personnages mais le décor dans lequel ils évoluent est primordial. Je suis avant tout lectrice, j’imagine que les détails sont tout aussi importants, il faut que la part d’imaginaire prenne le relais sur le pouvoir des mots. Ainsi, j’ai privilégié des lectures comme le Carnet de la Ménagère pour m’approprier le quotidien de cette mère de famille, qui en vient à piler des marrons d’Inde pour obtenir de la lessive. Les témoignages d’Henri Barbusse, de Roland Dorgelès mais aussi de Georges Duhamel, Paul Valéry, Léon Frapié m’ont beaucoup aidé. Quand j’évoque les soldats victimes de l’obusite, je me suis attachée à être au plus près de cette pathologie longuement controversée puisque ces derniers étaient considérés comme des simulateurs…J’ai en mémoire le très beau film de Gabriel Le Bomin, « Les fragments d’Antonin » et l’essai de Jean-Yves Le Naour « Les Soldats de la Honte » (NDLR : Un bel et magnifique livre !). Quant au cuirassier Louis Ferdinand Destouches plus connu sous le pseudonyme de Céline, il nous a offert avec « Voyage au bout de la nuit » un roman fort et même si il a longtemps écrit qu’il s’arrangeait avec ses souvenirs en trichant avec ce qu’il faut, le fantôme de Bardamu est omniprésent dans l’une de mes nouvelles…
Je ne suis pas historienne mais j’ai trop de respect pour le sujet et ce livre m’a demandé quatre années de travail. J’ai effectivement beaucoup lu mais j’ai eu aussi la chance de pouvoir écouter des cassettes mixées sur Cd avec des témoignages de Poilus, dont l’un très émouvant puisqu’il émanait d’un soldat ayant appartenu au même régiment et à la même compagnie que mon grand-oncle…
Si je dis souvent que j’ai lu jusqu’en avoir la nausée ce n’est rien par comparaison à ce que les soldats ont pu ressentir au plus profond d’eux-mêmes. Mais par respect pour Eux, il ne pouvait en être autrement…
Comment composez-vous vos romans ? Avez-vous un plan précis ?
« L’Horizon de Blanche » est mon premier roman ou même une grande nouvelle. Mes lectrices m’ont fait le gentil reproche qu’elles attendaient la suite, et qu’elle l’avait trouvé trop court ! Ce qui me fait plaisir c’est qu’elles se soient approprié l’histoire et les personnages donc c’est un pari réussi… J’ai une trame, une ambiance, une histoire certes mais j’ai presque envie de vous dire que tout cela parfois m’échappe… C’est eux, mes personnages qui parfois une autre direction que je leur ai proposée (NDLR : J’approuve !! Les miens sont pareils !!) !
En fait, ils n’en font qu’à leur tête et j’ai du mal à reprendre le contrôle ! J’avoue que c’est une fabuleuse aventure que ce travail d’écriture et qu’il ait réellement le moteur de ma vie. C’est mon oxygène au quotidien. Le format court des nouvelles est un format que j’affectionne.
Vous avez eu la chance de bénéficier d’une belle préface et de gagner des prix pour « Les dames du Chemin » qui est un recueil de nouvelles à la fois poignantes et denses. Pouvez-vous nous parler du travail sur ces histoires dans l’Histoire ?
C’est une amie qui m’a incité à envoyer mon manuscrit à Jean-Pierre Verney en décembre 2011. Je ne croyais pas que cela pouvait aboutir à quelque chose, mais j’ai l’audace des timides. En janvier 2012, Jean-Pierre Verney m’appelait pour me dire qu’il aimerait me rencontrer pour parler de mon manuscrit. Je l’ai rencontré et il m’a fait l’honneur de me présenter le Musée de la Grande Guerre de Meaux qui réunit l’ensemble de sa collection personnelle. Ensuite, nous avons parlé de mon travail d’écriture et de mes aspirations. Je m’entends encore lui demander une préface. Il a accepté immédiatement. Quand je l’ai lu, j’ai pleuré. J’ai pleuré parce qu’il avait vraiment compris le sens de mon travail.
Pouvez-vous nous présenter votre dernier roman, « La vie devant elles », qui rassemble quinze témoignages de femmes aussi émouvants que tragiques mais beaux ?
Ce sont des histoires de femmes Il y a Leïla, comédienne de cinéma qui a dû fuir la bêtise salafiste pour pouvoir exercer son métier ; Rachel survivante des camps d’extermination et Anna qui comprendra la violence de son père à la mort de sa mère… Seize prénoms, seize portraits de femmes que j’ai voulu sortir de l’ombre de l’anonymat pour défendre le droit de vivre, la quête du bonheur…Ces femmes peuvent être nos voisines, nos amies , des membres de notre famille. Seize nouvelles de 1895 à l’aube du 21ème siècle, une ronde où chaque femme danse sa vie et reste digne malgré les coups du sort.
Tous ces portraits de femmes (y compris dans « Les dames du Chemin » ou « L’horizon de Blanche ») vous portent-ils vers un certain féministe ?
J’aime cette citation de Rebbeca West « Je n’ai jamais été à même de savoir ce qu’est le féminisme ; je sais seulement que des gens m’appellent ainsi quand j’exprime des sentiments qui me différencient d’un paillasson … ». Il y a aussi le mot sororité qui est l’expression de la solidarité entre femmes. Il s’apparente à une fraternité (NDLR : associations légales ou non dont les membres se considèrent comme frères généralement à la suite d’une initiation ou d’une intronisation dont les détails cérémoniels sont souvent secrets. Il existe de nombreuses fraternités de par le monde ; Très présentes dans les universités américaines par exemple) …
Avez-vous un projet de roman à venir ?
Je suis dans un nouveau travail d’écriture qui me conduit à rencontrer de nombreux correspondants passionnants et passionnés. C’est un nouveau challenge puisque je suis dans la rédaction d’une biographie. Je n’en dirai pas plus…
Outre l’écriture, avez-vous d’autres cordes à votre arc artistique ?
J’aime le chant choral que j’ai pratiqué durant quelques années. Je suis soprane.
En tant qu’auteur, comment Vous possédez un blog, comment l’utilisez-vous ?
C’est une fenêtre ouverte sur mon travail d’écriture, une relation privilégiée avec mon lectorat.
Où peut-on trouver vos ouvrages sur la Toile ?
Sur le site de mon éditeur ou sur certains sites marchands en ligne mais on peut tout à fait commander mes livres auprès de son libraire préféré !
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J’ai grandement apprécié nos échanges et sa plume est délicate, légère mais empreinte de ce devoir de mémoire que je chéris, de sensibilité, d’affection envers ses personnages !
Si vous aimez l’Histoire, les beaux mots, les personnages forts et une sensibilité à fleur de peau, n’hésitez pas !
Bonne lecture,