Le résumé de l’éditeur :
« Jonathan, un détective anglais expatrié dans une ancienne république soviétique, mène une enquête pour retrouver une jeune fille, Petra, disparue douze ans auparavant. Alors qu’il lutte contre la jalousie et la rancœur depuis qu’il soupçonne sa femme de l’avoir trompé, il croise sur un pont une jeune fille qui s’apprête à se suicider. Il la sauve de la noyade, la raccompagne chez elle, et croit avoir enfin retrouvé Petra. Celle-ci exerce sur lui une fascination manifeste. La situation prend un tournant inattendu, tandis que la ville est le théâtre d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Dans ce climat de violence, Jonathan doit assumer les conséquences de ses découvertes, résoudre ses problèmes conjugaux et s’occuper de sa fille dont les amies imaginaires sont un peu trop présentes. »
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Je guette régulièrement les parutions des Joëlle LOSFELD Éditions car j’ai eu la chance de converser avec elle, lors d’une formation à la SGDL, il y a quelques années, et j’avais aimé sa vision du métier et son discours.
Mon côté cinéphile me pousse à essayer de ne pas louper un roman écrit par un réalisateur que j’aime ; A fortiori celui du réalisateur d’un des films les plus envoûtants que j’ai vus depuis des lustres… « Entretien avec un vampire » et de l’émouvant « Breakfast on Pluto ».
Pourtant, j’ai loupé roman en 2017.
Une image sur Instagram m’a permis de le recevoir après un échange avec l’éditrice, que je remercie infiniment, ici, de son aimable proposition.
Connaissant un peu l’environnement artistique de l’Irlandais, et ayant apprécié son précédent roman « Confusion » (même éditeur français), je m’attendais à tout, ou rien ; Cela dépend du point de vue…
Son personnage central, Jonathan, est un expatrié anglais, détective, habitant d’une ville poisseuse d’un pays de l’Europe de l’Est, post-soviétique ; Il est englué dans ses problèmes conjugaux et familiaux et possède une nette tendance à douter de tout, sur tout, à filer tout le monde.
A cela, s’ajoute la moiteur de l’endroit, la saison étouffante, son adjoint-associé et sa rencontre avec une jeune femme, violoncelliste, qu’il sauve de la noyade.
A partir de là, Neil Jordan livre un roman lent, hallucinant et suffocant… L’enquête sur la disparition d’une petite fille, Petra, il y a fort longtemps, hante toujours la ville et les esprits. Jonathan voit en la violoncelliste une nouvelle piste et s’engage dans un dédale de rencontres, de personnes croisées, complexes mais attachantes, vivants ou mortes, dans toutes ces ruelles antiques, ces odeurs âcres, au risque de perdre pied à chaque étape de l’enquête.
Sa tendance de jalousie chronique n’aide pas, non plus, à illuminer la noirceur de cette ville.
« Dans les eaux troubles » est un roman troublant, comme une lente progression dans l’antre cérébrale de Jonathan et celle de cette ville dont on ne connaît ni le pays, ni la véritable identité.
Dès les premières pages, j’ai été happée par l’écriture de l’auteur, ces descriptions du fleuve aux eaux sombres, la chaleur poisseuse, les personnages entourant Jonathan, et Jonathan lui-même, qui se débat entre ses pulsions de jalousie remontant à l’enfance, sa vision du métier, et de l’enfermement dans une ville qui ne lui sied pas, ou plus.
On croise alors, entre autres, sa femme, archéologue qui s’inquiète pour leur fille et ses amies imaginaires, et aussi pour son mariage, un psy « viennois » qui conseille le couple à la dérive, une voyante qui navigue entre le monde réel et l’irréel, une jeune violoncelliste étrange et l’absente, Petra, cette petite fille disparue une décade plus tôt.
J’ai senti dès le début de ma lecture une progressive montée, lancinante, vers une ambiance irréelle, un peu hors du temps, qui n’est pas maîtrisée. J’ai pensé que le côté fantastique aperçu chez la voyante, Gertrude, allait s’approfondir jusqu’à gober Jonathan, et le lecteur tous entiers !
Au fil des pages, on entre dans l’histoire, même intimes, des personnes qui gravitent autour du détective privé, et on s’attache à eux, malgré tout. On aperçoit, entrevoit la jalousie de Jonathan se révéler partout, pour tout et tous (y compris pour un homme aimé par une autre, étrangère de surcroît).
Néanmoins le roman n’est pas à proprement parler palpitant dans l’action. C’est un tempo lent… intime, fantastique, profond, mais terriblement humain. C’est mélancolique avec ce clair-obscur qui semble être la clé de voûte de cette ville grise.
J’ai beaucoup aimé les descriptions de la ville, du fleuve, des gens, ce côté fantastique et fantasque, soudain quand un trésor d’archéologie vient semer la folie dans la ville, la musicalité (et Bach) qui surgit çà et là, entre passé et présent, et, également, l’ombre qui se profile doucement comme une filature bien menée.
En définitive, j’ai aimé me plonger dans l’univers de Neil Jordan, de cet anti-héros qu’est Jonathan, dans les méandres de ses états d’âme, dans les histoires de chacun, dans ce trouble permanent qui émane de certaines scènes.
On comprend alors que le murmure des morts, quels qu’ils soient, s’arrange pour coller aux vivants afin qu’ils soient guidés vers une autre rive (ou a-t-on tout inventé ?).
Il est à souligner que le titre anglais (The Drowned Detective) indique clairement le cheminement du détective.
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« Dans les Eaux Troubles »
Editions Joëlle Losfeld
Parution : 20 avril 2017
ISBN : 9782072702679
Nombres de pages : 288
Prix (à la sortie) : 22 euros
Livre envoyé gracieusement par les Joëlle LOSFELD Éditions .