Le résumé de l’éditeur :
« Victor Forde vient de se séparer de sa compagne, Rachel Carey, le grand amour de sa vie. Il retourne vivre dans le quartier dublinois de son enfance, près de la mer, où il s’installe dans un immeuble moderne abritant essentiellement des émigrés d’Europe de l’Est. Il se force à se rendre tous les soirs dans le même pub, comme «on irait à la salle de sport ou à la messe». Il y rencontre un certain Ed Fitzpatrick, qui lui assure être un ancien camarade de classe. Il ne se souvient pas de lui mais a une sensation désagréable en sa présence, sans réussir à s’expliquer pourquoi. Ils se croisent régulièrement au pub : Ed recherche une complicité, il revient sans cesse sur leur passé d’écoliers chez les frères chrétiens.
Victor se bat avec sa mémoire et refuse de toute évidence des pans entiers de son passé. Ed Fitzpatrick, suspect, voire sinistre, agit sur lui comme un révélateur et l’oblige à affronter la réalité. »
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Comment résister à Roddy Doyle ?
Depuis que j’ai lu « Paddy Clarke, ha ha ha », j’aime l’univers singulier de cet écrivain irlandais… Eh, oui, j’ai un souci majeur avec la littérature irlandaise, puisque je ne désespère plus de revoir un nouveau roman de Rober McLiam Wilson (d’accord, nord-irlandais, mais je ne chipote pas sur le sujet !).
Donc, quand j’ai vu la sortie, la veille de mon anniversaire, de ce livre intitulé « Smile », comme l’album magnifique de The Beach Boys), je n’ai pas résisté longtemps à demander de le lire avant sa sortie.
Comme à l’accoutumée, les Éditions Joëlle LOSFELD m’ont fait l’honneur d’accéder à ma demande et me voici avec le livre à la main, le sourire aux lèvres (oui, je sais, c’est facile !).
Onzième roman de Doyle, « Smile » n’est pas à proprement parler un livre joyeux comme on peut l’être les précédents.
« Smile » est raconté du point de vue de Victor Forde ; Il est dans sa cinquantaine, fraîchement séparé de sa célèbre femme et écrit. Il a eu une vie avant la fréquentation de ce pub où il décide de séjourner, souvent, comme s’il était dans un cocoon. Il était journaliste, sans la gloire qu’il pensait récolter. Pendant qu’il descend une pinte, Victor voit s’incruster à sa table un soi-disant ex-camarade, Ed Fitzpatrick. Ce dernier, que Victor ne reconnaît absolument pas, tout en vulgarité et allusion à une période scolaire, lui détaille des détails de son parcours à l’école des Frères Chrétiens. Entre funérailles d’un vieux Frère, violence entre garçons et la vie de l’école, Fitzpatrick revient sur l’attirance d’un des Frères pour Victor ; Bien qu’affable, Ed, et les souvenirs nostalgiques et troublants, pousse Forde à ruer dans les brancards, doucement mais sûrement. Son instinct le pousse à le détester d’emblée, à vouloir « le tuer ».
La raison du titre du roman est révélée dès les premières pages. Le Frère Murphy « ne résistait jamais » au sourire de Victor ; Phrase qui allait définir le jeune garçon pour des années. Le lecteur comprend tout de suite le sens de cette phrase et les répercussions que cela peut avoir sur un jeune adolescent et une bande de garçons empreints de violence et d’hormones.
Les souvenirs de Victor sont remis en question par ce Fitzpatrick qui agit comme une conscience prête à sauter sur le cerveau de Victor afin de le forcer à affronter son passé : entre angélus et démon.
Roddy Doyle ne fait pas dans la simplicité. Son livre oscille entre leurres subtils émis par une mémoire filtrée, une certaine violence et la capacité qu’a le passé à se réveiller au mauvais moment, ou, a minima, quand la personne pense en avoir fini.
Les souvenirs attaquent, sortent du placard et foncent dans la vie de Victor comme un bulldozer.
Ce roman est surprenant et profondément émouvant car il touche la part d’enfance du lecteur.
Cette enfance brisée, chez Victor, ce trouble, ce traumatisme que ce jeune garçon a enfoui pendant des décennies et qui lui explosent au visage. Victor conte des pans de sa vie, heureuse ou pas, des moments forts, des moments sensuels ou sexuels, des moments difficiles à assumer, ou même des moments de solitude. Il alterne ici, là, seul, à deux, en famille, sans, etc.
Il possède cette honnêteté et cette lucidité envers ses actes et décide d’explorer sa jeunesse jusqu’à la dernière page.
C’est également l’ironie de ce roman… car entre humour et les faits, les souvenirs se transforment en prise de conscience…
Roddy Doyle produit ici un de ces romans les plus sombres depuis plus de vingt ans (et vraisemblablement depuis, d’après moi, « La Femme qui se cognait aux portes »).
On peut dire qu’il résume l’œuvre de Doyle. En quelque sorte, il associe les thèmes chers à l’auteur irlandais : les souvenirs d’enfance, les regrets de l’adulte et les conversations dans les pubs et que tout ceci s’emboîte parfaitement.
On pourra toujours dire que la fin du roman est aussi courageuse que complexe et étonnera certains lecteurs et même que certains d’entre eux ne seront pas séduits mais, personnellement, elle est telle que j’aurais pu l’écrire.
Ce « Smile » est troublant, dans tous les sens du terme…
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Titre SMILE
Joëlle LOSFELD Éditions
Parution : 23 août 2018
ISBN : 2072758521
Nombres de pages : 247
Prix (à la sortie) : 19,50 euros
Livre envoyé gracieusement par les Éditions Joëlle LOSFELD.