Dans mon petit village du Périgord Vert, il y a un endroit que j’apprécie depuis mon enfance parce qu’il représente quelque chose d’important : le cimetière.

Cet enclos regroupe l’ensemble des personnes qui ont aimé, vécu et ri dans mon village. En outre, il y a les poilus. Ces hommes que je n’ai évidemment pas connus, mais qui sont devenus, avec mes recherches pour établir la monographie dudit village, « mes hommes ».

Parmi tous, il y avait un nom sur une simple pierre, sans fioriture, ni plaque d’émail pour célébrer la mention « Mort pour la France ».

Une simple mention gravée dans la pierre « Louis Geandraud(1) Mort pour la France ».

Je passais devant à chaque fois pour aller chercher de l’eau. Je saluais sa mémoire en lui disant à haute voix « Bonjour Monsieur, belle journée, n’est-ce pas ? ».

Cela faisait rire les vieilles du village (et amies de ma grand-mère) qui avaient, pour certaines, « bien connu » le garçon en question.

D’ailleurs, elles avaient connu la plupart des « habitants » du vieux cimetière et, à travers elles, j’ai connu tous ses gens et j’ai appris à connaître leurs vies, leurs amis et leurs faits d’armes.

Louis Geandreau (l’orthographe de l’état civil) est resté spécial à mes yeux car il avait disparu sur le champs de bataille mais restait son âme « enterrée » dans un carré terreux et sans le côté « mémoire des poilus » de ses autres camarades de la Grande Guerre.

Je me suis attachée à lui (entichée aussi). Sans le connaître vraiment, j’ai trouvé triste que sa « tombe » soit toujours non fleurie, sans visite, avec de la terre à l’intérieur de l’enceinte en pierre. Puis j’ai fait des recherches (notamment dans la bibliothèque familiale, une intuition) et j’ai trouvé mon poilu.

Du coup, il est devenu comme un vieil ami à qui je rends visite à chaque fois et à qui je parle, quelque fois, comme à un vieux compagnon de route.

Heureusement que personne ne prête plus attention à la « petite » qui fréquente le cimetière et arpente chaque centimètre carré de ce lieu.

Parce que Louis et moi (oui, on est désormais un peu intimes), on a une relation particulière. Je lui apporte des fleurs et un peu de présence, et lui, me donne ses mots.

Car Louis Geandreau est né à la Roche-Chalais en Dordogne (à une bonne trentaine de kilomètres de mon village) le 2 janvier 1885. Il vivait normalement, sans plus de gloire que les autres. Il était juste un garçon particulier qui écrivait de la poésie et du théâtre en vers.

Ses écrits sont restés quelque part dans les greniers de nos grands-parents, dans certains vieux livres ou dans les vieilles bibliothèques perdues dans les cantons environnants.

Edmond Rostand disait de lui « Il avait l’enthousiasme alerte et spirituel. C’est un vrai poète » et Camille Le Senne rajoutait que « son théâtre est mieux que du théâtre, c’est du rêve ».

Parmi ses écrits on trouve des poèmes (« Le Ciel dans l’eau », 1917, Fasquelle Ed.), des proses (« Le Képi sur l’Oreille », « Miettes » -chroniques) et du théâtre en vers (« Au Clair de la lune », « Professeur », « L’Eveil », « Matamore », « La Nuit de février », « Muse et Musette », « Le Marquis de Carabas », et avec Guillot de Saix « La Belle au cœur dormant », « Narcisse », « Jean de La Fontaine » et « Gaulthier l’Oyseau »).

Il était un auteur et poète qui comptait dans son coin de Périgord et même plus loin encore.

Il était un homme de mots et de beauté de la langue.

Désormais, il est là en esprit, dans ce cimetière, inconnu de la plupart, anonyme par les autres, un poilu parmi tant d’autres. Pas pour moi.

Parmi ses poèmes, j’ai toujours eu un faible pour celui-ci :

Les Deux Infinis

Les nuages s’en vont, voiles lentes et blanches

Dans les cieux qu’on dirait des océans calmés,

Et la voile, nuage aux blancheurs d’avalanches,

Frôle la mer, ce ciel aux vœux toujours clamés.

Ciel et mer. Les rivaux de l’infini s’épanchent,

Se guettent en jaloux et veillent sans chômer ;

Les cieux conciliants sur l’océan se penchent,

Mais l’océan rageur ne veut pas désarmer.

Et, toujours entre eux deux, le duel recommence :

Le ciel calme, la mer bavant comme un venin

Son écume vers lui, d’un calme léonin.

Parfois le ciel dépêche à ce flot en démence

Un grand oiseau de paix. L’oiseau part en éclair

Puis porte aux cieux songeurs le refus de la mer.

 

Alors, Louis Geandreau accompagne souvent mes pensées et il est présent tous les jours à l’ombre de ce mur de pierre, derrière l’église forteresse qui, depuis le 11e siècle, en a vu d’autres tomber à ses pieds.

 

Louis était le fils de Jean Gustave Geandreau, horloger et de Marie Monique Pétronille Viollaud. Il s’était marié le 10 juin 1911 à Bordeaux avec Anna Jeanne Jouin. Il faisait partie de la classe de 1905, sous le matricule 3478, Lieutenant au 44e Régiment d’Infanterie. Il a été tué à l’ennemi au nord de Soissons, proche de Crouy, le 13 janvier 1915, dans l’Aisne, en un jour particulièrement sanglant (des unités entières ont été décimées).

Merci d’avoir une petite pensée pour tous ces auteurs anonymes qui ne sont pas revenus de la Grande Guerre dont les mots hantent encore la mémoire de certains.

A toi, Louis.

Lisa

 

Bibliographie :

Poèmes :

« Le Ciel dans l’eau », 1917, Fasquelle Ed.

Prose (paru dans la revue La Lecture Française) :

« Le Képi sur l’Oreille ».

A fondé « Le Cadenas » journal militaire.

Chronique :

« Miettes ».

Théâtre :

« Au Clair de la lune »,

« L’échéance »,

« Professeur »,

« L’Eveil »,

« Matamore »,

« La Nuit de février »,

« Muse et Musette »,

« Sons de cloches »,

« Petites manœuvres »,

« Le Marquis de Carabas ».

A citer aussi les écrits de ses débuts :

« Une moyenne proportionnelle », « La Pelle et l’Epée », « La Naissance de Minerve », « Vm417 (poste restante) ».

En collaboration avec Guillot de Saix :

« La Belle au cœur dormant »,

« Narcisse »,

« Jean de La Fontaine, ou, le Distrait volontaire » (« Clymène »),

« Galthier l’Oyseau ».

Prix :

Prix poésie Jules Davaine 1916 – mention honorable.

Prix de poésie « Archon – Desperouse » de l’Académie Française 1918 pour « Le Ciel dans l’eau » à titre posthume (4 lauréats).

Prix Toirac 1924 pour « Jean de La Fontaine, ou, le Distrait volontaire ».

Prix Capuran 1962 pour « Narcisse », partagé avec Guillot de Saix.

 

Mes possessions en sus des ouvrages de Louis

  • Archives Nationales de Pierrefitte F/90/20537,
  • Bibliothèque Nationale de France,
  • Journal Office de la République Française,
  • Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur,
  • Journaux « marches et opérations des 34e et 44e Régiment d’Infanterie du 31 juillet 1914 – 29 novembre 1918,
  • Ministère de la Défense, Mémoire des Hommes,
  • Archives Départementales de Gironde (N° 3001-3500 • 1 R 1213 — 1905) et Dordogne,
  • La Lecture Française 1907-1914,
  • L’Ambulance, 1915 – 1917 (voir ci-dessous),
  • L’Astrée, revue littéraire et artistique 1909-1912,
  • Revue Philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 1911,
  • Comœdia 1923-1935 (voir ci-dessous pour les principaux),
  • La Petite Gironde, 14 janvier 1911,
  • Le Mondain, 7 au 13 janvier 1912,
  • La Croisade française, 15 juillet 1912,
  • L’Homme Libre, 1913,
  • Le Grillon, avril 1914,
  • La Petite Gironde, 10 avril 1914,
  • La Petite Gironde, 30 janvier 1915,
  • La Petite Gironde, 10 février 1915,
  • Le Journal, 4 avril 1915,
  • L’Ambulance, 4 avril 1915,
  • Le Gaulois, 5 avril 1915,
  • L’Ambulance, 2 mai 1915,
  • L’Intransigeant, 30 mai 1915,
  • Pages de Gloire, 18 juillet 1915,
  • Les Annales Africaines, 1er août 1915,
  • L’Ambulance, 1er octobre 1915,
  • La Petite Gironde, 10 octobre 1915,
  • L’Echo de Paris, 14 décembre 1915,
  • Le Divan, Aux écrivains morts pour la France, 1915-1916 (Annexe V),
  • Arts et Lettres, Bordeaux, mai 1916,
  • L’Homme Enchaîné, 9 mai 1916,
  • La Rampe, 11 mai 1916,
  • La Petite Gironde, 11 mai 1916,
  • La Presse, 15 mai 1916,
  • Le Gaulois, 15 mai 1916,
  • Le Matin, 18 mai 1916,
  • La Rampe, 25 mai 1916,
  • Les Tréteaux, 1er juin 1916,
  • Arts et Lettres, Bordeaux, juin 1916,
  • L’Echo des Guitounes, 30 juin 1916,
  • Le mois littéraire et pittoresque, juillet 1916,
  • La Rampe, 20 juillet 1916,
  • La Petite Gironde, 7 octobre 1916,
  • La Petite Gironde, 27 octobre 1916,
  • La Rampe, 2 novembre 1916,
  • La Rampe, 1er février 1917,
  • L’Ambulance, 25 février 1917,
  • L’Intransigeant, 2 mars 1917,
  • La Rampe, 22 mars 1917,
  • L’Homme Enchaîné, 3 avril 1917,
  • La Rampe, 26 avril 1917,
  • La Renaissance, 28 avril 1917,
  • L’Ambulance, 13 mai 1917,
  • Le Cri de Paris, 5 août 1917,
  • L’Ambulance, 1er septembre 1917,
  • Le XIXe Siècle, 13 septembre 1917,
  • Le XIXe Siècle, 23 novembre 1917,
  • Comœdia, 31 décembre 1927,
  • Les Annales 1915-1927,
  • La Rampe, 3 janvier 1918,
  • La Pomme Cuite, 5 janvier 1918,
  • L’Eventail, 15 février 1918,
  • La Rampe, 20 mai 1918 (déjà paru l’année précédente),
  • Le Gaulois, 21 juin 1918, – « çà et là »,
  • L’Action Française, 24 septembre 1918,
  • La Rampe, 25 octobre 1918,
  • Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord Tomes XLVI (1919),
  • La Rampe, 5 octobre 1919,
  • Le Figaro, 8 octobre 1919,
  • Les Potins de Paris, 27 novembre 1919,
  • La Rampe, 7 décembre 1919,
  • Historique du 44e Régiment d’Infanterie, anonyme, 1920, Charles Lavauzelle, Éditeur militaire, Paris-Limoges
  • La Rampe, 20 mai 1920,
  • La Voix du Combattant, 20 juin 1920,
  • La Rampe, 22 octobre 1922,
  • La Revue des Deux Mondes, Tome XVIII, 1923
  • Le Correspondant, 1923,
  • Le Divan, 1923,
  • Le Larousse Mensuel Illustrée, janvier 1923,
  • La Rampe, 5 août 1923,
  • La Pensée Française, 13 septembre 1923,
  • Le Monde Colonial Illustré, octobre 1923,
  • Comœdia, 4 octobre 1923,
  • La Rampe, 21 octobre 1923,
  • Le Figaro, 27 octobre 1923,
  • Le Petit Journal, 27 octobre 1923,
  • Nouvelles Littéraires, 27 octobre 1923,
  • Le Gaulois, 28 octobre 1923,
  • Comœdia, 29 octobre 1923,
  • Le Gaulois, 31 octobre 1923,
  • La Presse, 31 octobre 1923,
  • Comœdia, 31 octobre 1923,
  • La Nouvelle, novembre 1923
  • La Revue Hebdomadaire, novembre 1923,
  • Le Populaire, 2 novembre 1923,
  • La Petite Gironde, 4 novembre 1923,
  • Le Radical, 5 novembre 1923,
  • Le Figaro, 5 novembre 1923,
  • L’Homme Libre, 6 novembre 1923,
  • La Petite Gironde, 7 novembre 1923,
  • Le Ménestrel, 9 novembre 1923,
  • Le Monde Illustré, 10 novembre 1923,
  • L’Europe Nouvelle, 10 novembre 1923,
  • Floréal, 10 novembre 1923,
  • La Rampe, 11 novembre 1923,
  • Comœdia, 11 novembre 1923,
  • Le Gaulois, 13 novembre 1923,
  • Les Maîtres de la Plume, 15 novembre 1923,
  • Guide de Lectures, 15 novembre 1923,
  • Le Javelot, 17 novembre 1923,
  • La Petite Gironde, 10 décembre 1923,
  • Comœdia, 17 décembre 1923,
  • Les Annales 29 décembre 1923, 30 décembre 1923, 6 janvier 1924, 13 janvier 1924,
  • La Muse Française, 1924,
  • Le Figaro, 3 mars 1924 – « Figaro Théâtre »,
  • La Rampe, 22 juin 1924,
  • Comœdia, 6 juillet 1924,
  • La Rampe, 14 décembre 1924,
  • Revue philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 1925
  • Mémoires académiques du Nivernais, 1925,
  • La Revue de Paris, novembre 1926,
  • Comœdia, 12 novembre 1926,
  • Le Gaulois, 13 novembre 1926,
  • Le Rappel, 14 novembre 1926,
  • La Lanterne, 14 novembre 1926 (même article que le Rappel),
  • L’Homme Libre, 20 novembre 1926,
  • Le Journal Amusant, 28 novembre 1926,
  • Le Figaro Supplément littéraire du week-end, 27 octobre 1927,
  • La Rampe, novembre 1927,
  • La Semaine de Paris, 16 décembre 1927,
  • La Petite Gironde, 3 août 1928,
  • L’Européen « le monde des arts  – Anniversaire – lettres d’Edmond Rostand », 4 décembre 1929,
  • Paris-Soir, 14 février 1930,
  • Paris Soir, 7 mars 1930,
  • Le Petit Journal, 12 mars 1930,
  • Journal des Débats, 13 mars 1930, « le théâtre »,
  • Comœdia, 23 décembre 1930,
  • Annuaire Général des Lettres, 1931,
  • L’Ouest-Eclair, 18 mars 1932,
  • La Petite Gironde, 21 janvier 1935,
  • Le Nouvelliste d’Indochine, 13 mars 1937,
  • Amicale Générale des Anciens Combattants du 44e Régiment d’Infanterie et du 244e Rég. d’Infanterie, fascicule d’avril 1938,
  • Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord Tome XCII (1965),
  • Pyrénées numéro 65 – janvier – mars 1966,
  • Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord Tome CIX (1982).

 

 

 

**

(1) Il est à noter que sur ses fiches militaires sont notés les deux orthographes : GENDREAU et GEANDREAU. Et que la troisième orthographe a été gravée pour l’éternité sur sa pierre tombale.