Le résumé de l’éditeur :

« Il attendait ces retrouvailles depuis si longtemps. Cela faisait deux ans et demi qu’il n’avait pas vu les siens, après sa réquisition en 1943 pour le Service du travail obligatoire (STO) et son départ pour une usine d’armement, en Autriche. Sans nouvelles de lui depuis un an, sa famille craignait qu’il n’ait disparu. Le voilà enfin, affaibli mais vivant, si soulagé de retrouver ses proches après cette guerre terrible. Si heureux de revoir enfin sa fiancée, Justine. Mais lorsque Justine apparaît, c’est au bras de son frère. Les promesses de mariage, faites lors de son départ, ont été oubliées. C’est une double trahison. De plus, tous ceux qui comme lui sont partis au STO sont mal vus. Dans son bourg natal, les déchirures de la guerre sont encore à vif. Comment reprendre pied ? C’est auprès d’un oncle maternel, qui l’accueille dans son auberge à la campagne, qu’il va retrouver foi en l’avenir. C’est avec lui qu’il va découvrir ce qu’il s’est passé dans le bourg durant les années de guerre, les dénonciations et les rancœurs, le courage des vrais résistants, les collaborateurs notoires, le marché noir, l’épuration sauvage… et à qui il doit d’avoir été désigné pour le STO. 

Dans Lendemains de Libération, Daniel CROZES traite avec courage un sujet historique peu abordé. Il s’est inspiré de nombreux témoignages pour construire son personnage, et réussit à refaire vivre l’atmosphère si troublée de la Libération dans un village du sud de la France. Historien et romancier, Daniel CROZES est l’auteur de près de cinquante ouvrages, tous publiés aux Editions du Rouergue. Son dernier roman, Un été d’herbes sèches, a reçu le prix Arverne en 2016.« 

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Je suis, comme vous le savez (ou commencez à), une passionnée d’Histoire, et parmi les périodes dont je suis une adepte(1), il y a la période 1919 – 1946 en Allemagne… et, donc, par ricochet, en Europe.

Le thème abordé m’a parlé immédiatement puisque mon grand-père maternel a été « convié » à effectuer le STO après sa démobilisation en tant que marin (son contre-torpilleur ayant été saboté à Toulon en 1942). Il m’avait confié tout cela, et son « oubli de repartir » après une permission assez étonnante dans ce contexte.

Bref, lorsque j’ai pris connaissance de l’ouvrage paru chez Rouergue, j’ai demandé s’il était possible de lire en SP.

Vous imaginez bien que j’ai plongé dans le roman avec délectation pour la raison évidente de l’histoire, et l’Histoire, et l’Aveyron. Depuis mes premiers passages en direction du Périgord (oui, nous empruntions les chemins de traverse), l’Aveyron a toujours été un éblouissement pour moi ; Mon coin préféré étant, comme les lecteurs de Liverpool Connexion le savent, Belcastel !

Daniel CROZES est un auteur, soit, mais aussi un historien. Son écriture est donc un savant mélange d’enchaînements littéraires et de faits historiques.

L’histoire de Philippe, de son passé en tant que travailleur STO, des souffrances endurées, de l’incompréhension et du dur retour à la réalité d’une France libérée, est traitée avec pudeur et sensibilité.

La douleur de Philippe n’est pas que morale ou physique, elle est également dans son rapport avec le passé, ses rapports avec son frère, qui lui a subtilisé sa fiancée, son père, ses amis d’école et avec cette ligne de démarcation toujours visible dans cette France qui réglait ses comptes.

Lui, le garçon envoyé de force dans une Autriche nazie, soumis aux travaux forcés, aux mauvais traitements, à la violence, à la privation et à l’horreur, puis face aux Soviétiques, célébrés par certains comme grands vainqueurs, mais qu’il découvre être aussi mauvais voire pire que les nazis eux-mêmes, tout ceci le blesse, lui donne le sentiment d’être perdu, lâché, abandonné ; lui qui a tenu grâce à l’espoir de revenir au point de départ… aimé, choyé, amoureux et adoré.

Et puis, il y a la partie traitant, à travers les yeux de Philippe, de cette France déchirée, irréconciliable, à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale. Ces villages meurtris par la collaboration, la résistance, les arrangements, les crimes, les délits, les bons, les mauvais, les salauds, les indifférents…

Cette période est souvent traitée, en général, dans une version politiquement correcte, ou manichéenne ; Sauf, dans une série télévisuelle récente, nommée « Un Village Français ». Là, Daniel CROZES plonge dans l’Aveyron, dans un village lambda, dans la vie d’un homme ordinaire qui se débat pour ne pas couler à la découverte des arcanes des années qu’il a perdues en camps de travail.

J’ai adoré (dévoré) ce livre.

Je ne vous cacherai pas qu’il y a des passages qui peuvent être un peu long dans les descriptions de lieux ou situations. Il y a également quelques redondances mais, qui, tout bien pesé, peuvent être appréciés par les lecteurs.

Je ne suis pas, sur cette période, un lecteur lambda, je le sais. Je connais cette période, je connais les méandres qu’ont connu ces hommes revenus du STO, ces règlements de compte, ses justifications « mais c’était la guerre ! » pour excuser un comportement indigne ou amoral.

Donc, évidemment, certaines phrases ou explications de l’auteur, à propos de la situation de son personnage principal, semblaient du/lu/entendu déjà-vu pour moi.

Pourtant j’aime à penser que certains romans puissent ouvrir les yeux sur les comportements individualistes, sur une réflexion et sur un pardon général. En cela, je dois être un peu idéaliste, comme le personnage de Philippe, quelqu’un qui a fait ce qu’il devait faire, son devoir en quelque sorte, et réalise qu’il a payé un lourd tribut face à ceux qui ont su contourner le système, usé et abusé des opportunités pas toujours recommandables.

Je recommande donc ce beau roman de Daniel CROZE à tous ceux qui aiment cette partie de l’Histoire et aime les romans régionaux, et, veulent pousser un peu plus la réflexion sur le regard que l’on peut porter sur l’autre.

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Comme toujours, quand il s’agit d’Histoire, je vous mets quelques lectures sur le sujet, en l’occurrence, le STO :

  • « Le STO », Brun (Jean), Presses Universitaires de France, 1992,
  • « Histoire du STO », Spina (Raphaël), Perrin, 2017
  • « Les STO : histoire des français requis en Allemagne nazie : 1942 – 1945 », Arnaud (Patrice), CNRS Éditions, 2010

 

Titre Lendemains de Libération

Éditions du Rouergue

Parution : 4 octobre 2017

ISBN : 978-2-8126-1448-4

Nombres de pages : 384

Prix (à la sortie) : 21€uros

Livre envoyé gracieusement par les Éditions du Rouergue

  • Également : l’époque Templière en Périgord, La Russie (1715-1945), la Révolution Industrielle en Angleterre, etc.